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Annales Agricoles Et Littéraires de la Dordogne

Année 1867, pages 282 à 288

Laforce, siège d'une justice de paix et chef lieu du canton qui porte son nom, est situé à 10 km à l'Ouest de Bergerac et à 58 km au sud-ouest de Périgueux. La superficie de ce canton comprend 20840 hectares; le sol est plus spécialement argilo-siluceux calcaire.

L'origine de La Force n'est pas connue. S'il fallait s'en rapporter à l'étymologie du mot de basse latinité FORTIA, roman FORSA, ce lieu devrait son nom à une forteresse ou château, construite primitivement sur ce point, ou peut-être aussi se serait-il ainsi appelé, parce qu'il est très élevé et domine la plaine du côté de la Dordogne. Dans tous les cas, ce qu'il y a de certain, c'est qu'au XIII siècle, ce point était habité, qu'il l'était probablement dés le XII et que rien ne s'oppose à ce qu'il fut plus anciennement encore.

On n'est guerre mieux fixé sur son importance que sur son origine et il est à peu prés impossible de dire de quelle nature étaient les premières constructions qui y furent élevées. On ignore si elles précédèrent de longtemps son érection en paroisse, si elles furent de prime abord un château ou simplement un repaire, c'est à dire un lieu de retraite souvent confondu plus tard avec le manoir, simple habitation à peu prés sans défense.

Ce que nous savons de plus certains, c'est qu'au XIII siècle (1253-1254) il y avait deux familles résidant à Bergerac, toutes deux nobles d'origine, portant l'une le nom de Prévôt, l'autre celui de Gaillard, qui toutes deux ajoutaient à leur nom le surnom "de Laforce", et que nous retrouvons plus tard, les Prévôt, seigneurs de Laforce et Maduran, commune de St Pierre d'Eyraud, et possesseurs de l'hôtel de la prévôté de Bergerac, ce qui semblerait établir en fait que ces Prévôt étaient dans l'origine de véritables prévôts, ayant retenu leur nom de leurs fonctions. Quoi qu'il en soit, il est certain que ces Prévôt constituent une famille importante au XIII siècle.

Les documents historiques parvenus jusqu'à nous ne nous apprennent rien de particulier sur Laforce pour toute la longue période du XIV siècle. C'est à peine si on trouve çà et là les noms de quelques membres de la famille Prévôt.

Au commencement du XV, le possesseur de La Force et de Masduran portait le nom d'Elie Prévôt. Il mourut quelques années avant 1440, laissant un testament qui désignait tout naturellement pour son héritier Jean, son fils, et, à défaut de Jean et de ses hoirs, Mariotte, sa fille; à défaut de Mariotte et de ses hoirs, Guillotin Andron, seigneur de Lanzac, son cousin; et à défaut de ce derniers et de ses hoirs, Mandrot, son frère.
Jean Prévôt mourut peu de temps après son père sans laisser d'enfants. D'après le testament d'Elie Prévôt, Mariotte devenait dame de Laforce et de Masduran. Mais au moment de cette mort, Mariotte était en France (c'est à dire qu'au lieu d'être à Laforce, alors partie intégrante des possessions anglaises dans la Guyenne, elle se trouva dans quelque autre ville appartenant au roi de France, où elle avait été placée sans doute pour former son éducation). Guilotin voulut tirer parti de l'absence de Mariotte, et se présenta au conseil du roi d'Angleterre à Bordeaux, pour en obtenir la permission de s'emparer de Laforce et de Masduran. L'autorisation de cette usurpation lui fut accordée et de fait il prit possession de ces terres, dans la jouissance desquelles il se maintint pendant quelques temps. Mais il en fut dépossédé par un certain Jean d'Abzac, chef d'une bande d'aventuriers.

Cepandant Mariotte s'était mariée en France en 1440 et avait épousé Jean de Beaupoil, chevalier seigneur de Castelnovel, écuyer des écuries de Charles VII. La dépossession de Guillotin d'une part et la nouvelle du mariage de Mariotte de l'autre, incitèrent Mandrot et Guillotin à s'entendre pour réclamer devant le roi d'Angleterre. Ils s'adressèrent donc à ce monarque et après bien des démarches ils en obtinrent le don de Laforce et Masduran, confisqués sous Mariotte pour cause de rébellion. Cette concession porte la date de 1446.

Il semblait qu'après cela Guillotin et Mandrot ne pouvaient manquer d'atteindre leur but; mais indépendamment de ce que temps marchait vite à cette époque, d'Abzac, au moment de la concession, occupait encore les terres convoitées et ne s'en dessaisit que lorsque les Anglais n'étaient plus à même de prêter leur appui à leurs protégés. En effet, les Français étaient devenus maîtres du pays, et ce fut avec les Français, représentés par le comte de Panthièvre, que traita d'Abzac.

Charles VII avait fait don de la seigneurie de Laforce et de Masduran à Jean de Beaupoil et à sa femme dés 1441; mais ils n'en prirent possession qu'en 1449 et Jean n'en fit hommage qu'en 1450. Il fit en même temps hommage de l'hôtel de la prévôté de Bergerac. Cet hommage fut renouvelé en 1469 par Elie de Beaupoil, dit Prévôt, fils de Jean, agissant au nom de son père, lorsque Charles, frère de Louis XI, prit possession  du duché de Guienne. En 1483 Charles VIII créa à La Force deux foires et un marché en faveur d'Elie, devenu seigneur de ces deux terres et de l'hôtel de la prévôté de Bergerac.  A Laforce les deux foires devaient se tenir le jour de Saint Victor (20 juillet) et le jour de Sainte Radegonde (13 août), et le marché le lundi de chaque semaine. A Masduran les deux foires se tenaient le lendemain de la Fête-Dieu et le jour de la chaire de Saint Pierre (22 février) et le marché le mercredi de chaque semaine.

Elie n'était plus de ce monde en 1484. Il eut pour successeur Hebert de Beaupoil, dit Prévôt, qui fit hommage au roi Charles VIII cette même année.

La seigneurie de Laforce et de Masduran resta dans la maison de Beaupoil, jusqu'en 1554, époque où Philippes de Beaupoil, dame desdits lieux et veuve de François de Vivonne de la Chataigneraie, la porta dans la maison de Caumont par son mariage avec Francois de Caumont. Celui ci était le fils de Charles de Caumont, seigneur de Castelnaud, qui fut tué en 1572 le jour de la Barhélémy, ainsi que son fils. De ce mariage naquit, à Laforce en 1558, Jacques Nompar de Caumont, plus tard duc de Laforce et maréchal de France, qui échappa comme par miracle au massacre de la saint Barthélemy et mourut à Bergerac à l'âge de 94 ans en 1652.

 


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